« Certains de nos potes ont déjà failli mourir »

Publié le par Section Pcf Vierzon

Ils ont tous un point commun : celui de ne pas vouloir être cités. Les travailleurs saisonniers qui vivent en camion comme ceux, associations ou riverains, qui les soutiennent, restent prudents quand ils sont critiques. Les stations sont des employeurs et des partenaires potentiels. En Haute Tarentaise, Léo et “Kikou”, respectivement 28 et 24 ans, sont installés sur un parking pour la saison. Illégalement. La station où ils “logent” n’ayant rien prévu pour eux, leurs employeurs respectifs non plus (ce qui n’est pas le cas de toutes les communes ni de tous les employeurs NDLR).

Dans la restauration et le ménage, ils gagnent un Smic chacun, « doivent se cacher pour vivre », et se sentent « les pestiférés des stations. » « Si on devait prendre un appart, ce serait plus de la moitié de notre paie qui partirait. Et les chiens sont rarement acceptés », raconte la jeune femme. Voilà pour leurs raisons.

Ce qui est arrivé à La Clusaz (Haute-Savoie) où deux travailleurs saisonniers ont trouvé la mort dans l’incendie de leur camion le 3 janvier dernier, les met en colère. Eux se chauffent au gaz et au pétrole et reconnaissent que leurs véhicules « sont des bombes. » « On a toujours une ou deux bouteilles de gaz, c’est ça ou on pète de froid, raconte Kikou. On nous dit que nous sommes une pollution visuelle pour les touristes mais on n’a pas forcément envie d’être vus non plus. La station pourrait nous aménager des aires avec l’eau et l’électricité, ce serait le minimum. Ça nous éviterait de nous chauffer avec des matières inflammables. Certains de nos potes ont déjà failli mourir dans ces conditions. »

Cet autre saisonnier de 32 ans, qui a posé pour la première fois son camion, où il vit avec ses trois chiens toute l’année, dans un camping, dit que « plus ça va, moins ça va ». Vivre en camion pour lui, c’est un mode de vie. Et la station dans laquelle il vient tous les ans depuis huit ans a fermé cette année l’aire qu’elle dédiait à ceux qui, comme lui, choisissent ce mode de logement alternatif. « Nous étions une vingtaine de camions, et j’ai entendu dire ensuite qu’on avait volé de l’électricité, qu’il y avait eu des descentes de gendarmes et même un mort par overdose. On nous prend pour qui ? réagit-il. Je vis dans mon camion avec mes trois chiens qui sont attachés, je travaille et je ramasse mes déchets. Je suis civilisé. Nous avions proposé de payer un loyer de 200 euros chacun, la commune a refusé. »

Aujourd’hui, il paie 450 euros par mois au camping qui l’accueille. Mais connaît des saisonniers qui paient 750 euros par mois pour loger dans 18 m2. « C’est se moquer des pauvres », poursuit-il. Et tous les saisonniers en camion interrogés disent la même chose. « On fait avancer la station à moindre coût et on nous traite comme des parias. »

« Le problème, ce ne sont pas les camions. Leur nombre est marginal en stations. Ce sont plutôt le manque d’aménagements et de logements réservés aux saisonniers, raconte cette bénévole dans une association qui vient en aide aux travailleurs des stations. Il est tellement plus lucratif de louer son appartement aux touristes à la semaine qu’aux saisonniers à la saison ! Du coup, pour eux, le parc locatif est insuffisant ou hors de prix. »

par Jessica SONTAG, Le Dauphinée.com.

Notes:

Pour le Forum Social des Saisonniers, le drame de La Clusaz n’est pas qu’un triste fait divers. Le FSS pose clairement la responsabilité des pouvoirs publics. En premier lieu des stations, qui cachent leurs travailleurs précaires pour ne pas nuire à leur image de marque. Qui refusent de proposer des solutions d’hébergement, ou ne serait-ce que de l’eau et de l’électricité aux saisonniers vivants dans des véhicules. "Logés le plus souvent dans les villages limitrophes des stations, car les loyers sont inaccessibles en stations, ils prennent souvent leur véhicule pour rentrer après le service à leurs frais. 15% n’ont pas de contrat de travail. Et 25% n’ont pas d’heures sup’ payées" explique le FSS.

Antoine Fatiga, délégué syndical CGT pour la défense des saisonniers en Rhône-Alpes rappelle que certaines stations ont mis "à disposition des saisonniers qui souhaitent vivre dans leur véhicule des parkings surveillés, alimentés en eau et en électricité". "Pour une poignée de saisonniers, c'est un réel choix de vie. Il est simplement nécessaire que les municipalités fassent un pas vers eux car ils sont indispensables".

Pour le Forum Social des Saisonniers, ce n’est pas seulement la responsabilité des stations qui est à questionner. "Le saisonnier, c’est la figure emblématique du précaire. Il ne bénéficie pas de la prime de fin de CDD, ni de clause de reconduction de son contrat d’une année sur l’autre. Les employeurs font leur « marché de l’emploi » lorsqu’arrive la saison. Ils puisent dans un vivier très fourni, moins exigeant avec le  chômage de masse. Les patrons  n’ont aucune obligation de payer leur transport ou de les loger. "

Au total, la région Rhône-Alpes compte quelque 200.000 saisonniers d'hiver, dont quelque 130.000 en Isère, Savoie, et Haute-Savoie. Le forum social des saisonniers a demandé au ministre du Travail  d’être reçu et associé aux mesures à prendre visant à améliorer les conditions de vie et de travail des saisonniers.

Info: Syndicale.

Publié dans Dans la presse.

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