Dettes : la zone euro rongée de l’intérieur!

Publié le par Section Pcf Vierzon

Après avoir fait tomber la Grèce et l’Irlande, les marchés s’attaquent à l’Espagne et au Portugal, deux autres membres de la périphérie de la zone euro en grande difficulté budgétaire. Les taux d’intérêt des obligations d’Etat de ces deux pays se sont, en effet, envolés depuis que l’Union européenne a décidé, dimanche, de voler au secours de Dublin, signe que les investisseurs doutent de plus en plus de la capacité des Etats à pouvoir un jour rembourser leur dette. En dépit de l’intervention du Fonds européen de stabilisation financière, qu’elles ont pourtant réclamée…

Le scénario cauchemar de la contagion de la crise de la dette souveraine semble être en passe de se réaliser, ce qui fragilise dangereusement la zone euro. Les marchés, sans que l’on sache très bien s’ils anticipent ou précipitent l’éclatement de la monnaie unique, vendent de l’euro à tour de bras. Qui chutait à 1,32 dollar vendredi, contre 1,45 il y a trois semaines… Faillite. Qui sont ces mystérieux «marchés», qui s’inquiètent, paniquent et obligent les Etats à adopter des plans de rigueur de plus en plus durs afin de les rassurer sur leur détermination à purger les finances publiques ?

En vain, au demeurant : il y a toujours un motif d’inquiétude. Pour l’essentiel, la zone euro est attaquée non de l’extérieur par de mystérieux fonds spéculatifs américains ou chinois, mais de l’intérieur. Par ses propres banques, assurances, fonds de pension, gérants de patrimoine, établissements financiers divers qui gèrent l’épargne des particuliers (votre assurance-vie, par exemple, ou votre livret A), des entreprises et leurs propres fonds. Ce sont eux qui possèdent la très grande majorité de la dette européenne. Eux qui font grimper les taux d’intérêt, acculant certains pays de la zone à la faillite. L’Irlande par exemple : fin 2009, selon des statistiques de la Banque centrale européenne, sa dette publique était de 64% du PIB (elle est maintenant de 98%), soit 104 milliards d’euros. Sur cette somme, 75 milliards étaient possédés par des non-résidents.

Mais là où cela devient intéressant, c’est que sur ces 75 milliards, 15 milliards seulement appartiennent à des établissements qui ne sont pas dans la zone euro (pour l’essentiel, des banques britanniques). En clair, l’Irlande a été déstabilisée par les établissements de la zone euro. La Grèce, ce n’est pas un hasard, est dans la même situation : 78% de sa dette souveraine est possédée par des non-résidents, à 85% domiciliés dans la zone euro. Au Portugal, manifestement le prochain domino, la proportion est respectivement de 78% et de 80%… L’Espagne, elle, est moins exposée, ce qui fait douter d’une contagion : seuls 55% de sa dette sont possédés par des non-résidents, dont 65% sont dans la zone euro. Turbulences. On ne peut manquer de remarquer que ce sont les pays qui ont le plus internationalisé leur dette, même au sein de la zone euro, qui sont les plus fragiles. En la vendant hors de leurs frontières, les Etats ont renoncé à exercer un quelconque contrôle. Est-ce un hasard si l’Italie, dont la dette était pourtant, fin 2009, de 115% du PIB, reste à l’abri des turbulences ?

De fait, 34% de sa dette seulement sont possédés par des non-résidents. De même, la dette britannique, qui explose pourtant, n’est internationalisée qu’à hauteur de 28% et, hors UE, l’américaine à 50% et la japonaise (plus de 200% du PIB) à moins de 5%… La France ? Sa dette n’est détenue qu’à 55% par des non-résidents, mais elle possède la dette la plus internationalisée : 45% de celle-ci appartiennent à des établissements hors zone euro. Les «marchés» qui déstabilisent la zone euro sont donc, pour l’essentiel, ses propres banques, pourtant sauvées par l’endettement des Etats qu’elles leur reprochent désormais.

Ce sont elles qui mettent en péril, au nom de la défense de l’épargne qu’elles collectent, l’économie de ces pays, voire la survie de la monnaie unique. Une vision à très court terme, car si les économies européennes plongent dans la dépression et si l’euro implose, il ne restera pas grand-chose de l’épargne qu’elles sont censées protéger.

Publié dans ECONOMIE

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