« Il y a un grand mensonge sur les responsabilités de cette crise »
Après l’addition sociale présentée aux peuples par les gouvernements, voici que se profile une « addition démocratique », dénonce le secrétaire national du PCF.
Face à la crise de la dette, l’Allemagne vient de suggérer un « conseil de stabilité »
qui passerait au-dessus
des gouvernements. Une mesure forte, ou au contraire un abandon ?
Pierre Laurent. Non seulement il faut refuser cette nouvelle capitulation que serait cette proposition allemande, mais il faut arrêter cet engrenage de soumission aux marchés financiers, qui manipulent l’information pour mettre en coupe réglée peuples et gouvernements.
Il y a un grand mensonge
dans la crise actuelle sur
les responsabilités de cette crise. Les marchés ne sont pas une main invisible, derrière eux il n’y a que des groupes, des milliardaires,
des gouvernements aussi,
qui cherchent à obtenir le paiement de la crise par les peuples par tous les moyens, et au fur et à mesure que leurs solutions échouent,
ils en rajoutent sur l’addition sociale, et maintenant
sur l’addition démocratique.
On demande aux gouvernements
et aux peuples de rendre les armes.
« Apaiser les marchés »,
comme le réclament les analystes financiers, est donc une aberration ?
Pierre Laurent. C’est insupportable ! Il faut inverser la machine
qui veut que les groupes
de spéculateurs qui agissent
au plan mondial tentent
de soumettre les peuples à leur botte. C’est aux gouvernements
de soumettre les marchés
au contrôle politique
et démocratique, et de redonner
du pouvoir aux parlements et aux citoyens. Il y aurait besoin dans chaque pays et au plan mondial
de commissions d’enquête
sur les conditions dans lesquelles les marchés sont manipulés
pour imposer un chantage financier qui débouche systématiquement sur des plans d’austérité de plus en plus drastiques. On voit bien qu’après le monde arabe,
c’est Israël qui se révolte contre
la vie chère, l’Europe, les États-Unis : c’est une affaire mondiale.
Le précédent grec vous inspire la méfiance...
Pierre Laurent. C’est incroyable
qu’à chaque nouvel épisode,
on feint d’oublier le précédent : comme si chaque nouvel épisode de la crise était une météorite tombée d’on ne sait où. La crise grecque et la crise américaine ont la même origine. En ne s’attaquant pas
à la spéculation financière
et à ceux qui organisent le chantage contre les dépenses publiques
et sociales, à chaque fois on aggrave le mécanisme qui y conduit. Sommet après sommet, on nous annonce des solutions qui
en vérité amplifient la crise, face
à des spéculateurs insatiables
en raison de leurs pertes financières.
On oppose volontiers que, dans une économie mondialisée, reprendre
la main n’est pas réalisable.
Pierre Laurent. Ce sont les gouvernements qui décident
de laisser la main aux spéculateurs. Les décisions du G20 sont des décisions d’abandon du contrôle
de la situation. Nous pouvons prendre des décisions qui seront
des décisions de combat
des marchés financiers. Taxer
les flux financiers, reprendre
le contrôle des banques, reconquérir du pouvoir politique pour organiser une politique
de relance économique et sociale qui ira contre les intérêts
de rentabilité imposés par
les marchés.
La France peut-elle jouer un rôle ?
Pierre Laurent. Ces décisions peuvent être prises à tous les échelons, national, européen, et maintenant mondial. Cela se fait en s’appuyant non pas sur les décideurs du G20 mais sur les forces sociales qui n’en peuvent plus, sur les forces syndicales, sur tous les citoyens
qui sont mobilisés comme
on le voit, pays après pays.
Oui, la France peut prendre la tête d’un mouvement mondial
contre l’austérité généralisée.
Pour l’heure, Nicolas Sarkozy ne croit qu’en sa « règle d’or » budgétaire.
Pierre Laurent. Pour que la France joue le rôle que je viens d’évoquer, nous avons un impératif qui est de chasser Sarkozy et ceux qui le soutiennent, pour reconstruire un pouvoir démocratique qui s’attaquera à cela. Ça doit commencer par une bataille politique pour refuser d’inscrire l’austérité dans la Constitution française. Il y a une bataille à mener dans les semaines à venir, quand
on voit au Parti socialiste
que certains commencent à avoir les genoux qui flanchent devant l’offensive de la droite. Nous devons faire que la gauche refuse en bloc
la « règle d’or », qu’elle la refuse quand Nicolas Sarkozy la proposera au vote, et qu’elle la refuse si elle accède au gouvernement de ce pays.